Homélie fête de saint-Julien – 29 janvier 2023

Saint Julien 2023 – Messe à la cathédrale du Mans – 29 janvier 2023

Textes : (Au propre du diocèse du Mans)

  • EX 3,1-6.9-12
  • Ps 125
  • Eph 1,13-18
  • Mt 19, 27-29

 

« Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions comme en rêve ! Alors notre bouche était pleine de rires, nous poussions des cris de joie. »

Frères et Sœurs chers amis. Brüder und Schwestern liebe Freunde.

Les premiers versets du psaume que nous avons chantés et priés ensemble expriment très bien la joie qui habite mon cœur d’administrateur et je pense aussi le cœur de nombreux parmi vous au moment où nous vous retrouvons frères et sœurs de Paderborn, venus nombreux pour célébrer avec nous notre père dans la foi Julien de notre Maine !

Joie des retrouvailles bien sûr. Mais joie surtout de pouvoir faire à nouveau ensemble mémoire de celui que Julien a révélé à nos ancêtres : Jésus dont la mission reçu du Père est de « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés.» (Jn 11, 49-52)

Depuis trois ans nous attendions cette occasion ! Willkommen, deutsche Brüder und Schwestern ! Bienvenue à vous frères et sœurs allemands qui venez manifester que le pacte d’éternelle fraternité, par Aldric et Badurad est toujours et peut-être plus que jamais d’actualité au cœur d’une Europe où la guerre est présente et semble vouloir remettre en question l’équilibre de paix entre les peuples.

C’est le désir d’enraciner la foi dans celle reçue de nos ancêtres qui a poussé Badurad à s’adresser à son ami Aldric pour lui demander les reliques sacrées d’un témoin de la foi.

Et c’est comme ça qu’il y a 1187 ans un groupe de pèlerins s’est mis en marche du Mans vers Paderborn.

La mémoire collective retient qu’ils étaient précédés d’un paon. J’aime voir dans la queue déployée de ce paon une image du buisson ardent, signe de l’amour qui brûle éternellement sans se consumer. Elle est une illustration du pacte d’éternelle fraternité que Badurad et Aldric allait signer le 1er mai 836.

La foi est une chose éminemment personnelle mais nous ne devons jamais oublier, au risque de la réduire à un simple sentiment subjectif, qu’elle s’enracine dans la tradition reçue de nos anciens, de nos ancêtres !

Au mont Horeb, du cœur du buisson ardent, Dieu s’adresse à Moïse.

Fils d’Hébreu ayant grandi à la cour d’un pharaon païen, immigré de force et embauché comme berger chez un autre païen, le prêtre Jéthro devenu son beau-père, Moïse se voit rappelle avec insistance : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Dieu semble dire : « Tu es inscrit dans une histoire d’Alliance qui te dépasse de très loin et de partout mais dont je t’invite à devenir un maillon, aujourd’hui… »

Badurad et Aldric avaient compris cela quand ils ont voulu enraciner le diocèse de Paderborn dans la mémoire de Liborius saint pasteur du diocèse du Mans et deuxième successeur de Saint Julien, au 4ème siècle.

À chacun d’entre nous Dieu dit la même chose aujourd’hui !

C’est pourquoi à nous aussi il revient de faire mémoire de nos ancêtres dans la foi. Julien, Liboire, Aldric, Badurad et l’immense cortège de celles et ceux qui nous ont ouvert le chemin.

Aujourd’hui nous remontons à celui qui, le premier, a fait briller la lumière de l’Évangile de Jésus-Christ en nos contrées, alors que nos ancêtres étaient asservis à toute sorte de dieux dont ils imploraient assistance et protection en toute chose…

Nos contemporains et nous-mêmes, sommes tentés bien souvent de nous tailler une foi et un ou plusieurs dieu « sur mesure » en picorant à droite à gauche et en faisant bien souvent davantage confiance à « Saint Ternet » (Internet) qu’à nos ancêtres dans la foi !

Attention, la foi n’est pas le fruit de nos cogitations, elle est don de Dieu, reçu dans un cœur disponible.

 « Julien, dans ce pays, a fait tomber les idoles pour rendre à tous la dignité» avons-nous chanté en entrant dans la cathédrale.

Comme Julien en son temps, la Bonne Nouvelle, que nous chrétiens avons à annoncer à notre monde aujourd’hui, c’est la dignité de tout homme, de toute femme, reconnu fils ou fille de Dieu depuis sa conception et jusque dans l’éternité.

Julien a compris que la venue de Jésus en notre chair nous révèle comment Dieu fait de nous ses enfants. « Par Lui (Jésus), en effet, les uns et les autres, nous avons, dans un seul Esprit, accès auprès du Père disait Saint Paul aux Éphésiens tout à l’heure.

Or Dieu ne supporte pas l’asservissement de ses enfants. De tout temps il envoie ses messagers pour faire sortir son peuple de l’esclavage. Tout comme Moïse, en Égypte, Julien a entendu l’appel de Dieu à annoncer la liberté des fils de Dieu en notre Maine.

Elles sont nombreuses les idoles de nos jours. Ils sont nombreux les esclavages en tout genre et je crois pouvoir dire même qu’elles augmentent de manière inversement proportionnelle au recul de la Foi en nos cœurs… Est-ce vraiment étonnant ?

« Julien dans ce pays a fait renaître une source qui attendait le doigt de Dieu, il a fait briller la lumière sur les aveugles et les tombeaux. À nous, sur son chemin, de passer le flambeau! »

Saurons-nous comme Julien, découvrir les sources qui, tout autour de nous, attendent aujourd’hui le doigt de Dieu pour jaillir en source de vie éternelle ? L’Esprit nous précède ! Saurons-nous le reconnaître à l’œuvre dans notre monde et nous mettre humblement, à notre tour, à son service pour le bien de nos tous ?

Quelles idoles de notre époque et de nos cœurs encombrés allons-nous renverser à la suite de Julien pour que du fond du cœur de chacun jaillisse enfin l’Esprit qui pourra, sans entrave, s’écrier : « Abba, c’est-à-dire Père. Je ne suis plus esclave, mais fils, et puisque je suis fils, je suis aussi héritier : c’est l’œuvre de Dieu.» (Cf. Gal 4,6-7) 

Qu’avons-nous fait et qu’allons-nous faire de l’héritage reçu de Julien et de ses successeurs ? C’est bien beau d’avoir compris que nous sommes frères… Encore faut-il le mettre en œuvre ! Nous naissons frères, mais encore faut-il  devenir fraternel ! [1] C’est un combat de tous les jours…

Ô toi l’au-delà de tout, tu t’es fait proche et l’un de nous. Tu as pris chair de notre chair, sang de notre sang…

« Par ta chair crucifiée, nous dit Saint Paul, tu as détruit ce qui nous séparait, le mur de la haine […] Tu as voulu créer en toi un seul Homme nouveau en faisant la paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres en un seul corps par le moyen de la croix ; en ta personne, tu as tué la haine.»

Viens nous apprendre à donner notre sang, à donner notre vie avec toi sur la croix, pour que tombe enfin le mur de la haine et qu’advienne le Royaume.

Brüder und Schwestern aus Paderborn, danke, dass Sie hier sind, an unserer Seite, mit Ihrem Administrator Michel, um gemeinsam und in der Schule Christi fortzufahren, die verstreuten Kinder Gottes in Einheit zu sammeln. Gott segne uns alle.

Frères et sœurs de Paderborn, merci à vous d’être là, à nos côtés, avec votre administrateur Michel, pour continuer ensemble et à l’école du Christ à rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. Que Dieu nous bénisse tous.

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[1] Cf. Abdennour BIDAR : Plaidoyer pour la fraternité. Edition Albin Michel, février 2015, p. 72.