Leur témoignage au service des malades
L’Action Catholique Ouvrière en Sarthe a proposé à ses membres de prendre la parole sur la vie quotidienne en ce moment si particulier. Nous vous proposons ci-dessous le témoignage émouvant de 2 personnes soignantes.
Nous voyons apparaître tout autour de nous des gestes de solidarité au quotidien, des gestes simples mais emplis de tant d’humanité. Nous proposons à nouveau à nos membres de faire remonter toutes ces expériences qui nourrissent notre foi et notre espérance.
Que cette épreuve collective et personnelle renforce notre désir de communion entre les hommes et raffermisse notre foi dans un monde meilleur. « Aimez-vous les uns, les autres » et « proclamez la bonne nouvelle », que ce temps de « pause » ne soit pas un temps d’arrêt mais qu’il soit ferment pour faire vivre l’Amour.
©Gondong, infirmière
Je me présente, je m’appelle Virginie j’ai 44 ans je suis mariée, j’ai deux enfants.
Je travaille comme aide-soignante dans une clinique privée de soins de suite et de réadaptation sur le Mans, elle accueille 101 patients, pour la plupart ce sont des personnes âgées, nous avons également des soins palliatifs.
L’établissement est passé en mode confinement depuis 3 semaines, c’est-à-dire plus aucune visite autorisée, exception faite pour les malades en fin de vie. Les patients sont eux même confinés dans leur chambre, plus le droit de sortir dans les couloirs sauf avec le kiné pour avoir un périmètre de marche plus important que le tour du lit !
Donc toute une réorganisation, nous apportons 101 plateaux repas en chambre, c’est du travail supplémentaire mais tout le monde s’entraide, les infirmières, les aides-soignantes et les agents de service main dans la main, c’est chouette !
C’est une première épreuve pour les patients et le personnel, on sent une tension monter mais contrairement à d’habitude c’est une tension positive, globalement tout le monde se serre les coudes, les barrières tombent.
La hiérarchie est ébranlée, c’est une crise sans précédent pour tout le monde, de la serveuse au directeur d’établissement qui lui aussi se trouve décontenancé particulièrement quand le moment tant redouté arrive, un test covid 19 d’un patient revient positif le jeudi 26 mars à 18h, puis 4 nouveaux cas le vendredi puis 10, puis 15 … en moins d’une semaine !
Il faut sans cesse repenser l’organisation, le confinement, la sectorisation des malades contaminés avec du personnel dédié, d’où beaucoup de changements de chambre avec toute la logistique qui va avec et le ménage, mais là encore on s’entraide. On s’organise au mieux pour protéger les malades non contaminés et nous protéger.
On voit apparaître sur chacun des dossiers patients une observation médicale, « réanimable », « non réanimable » au cas où (ça fait froid dans le dos !).
Les premiers malades contaminés ont été transférées sur le Centre Hospitalier du Mans mais jusqu’à quand ?
Nous avons également un médecin, une infirmière et deux étudiantes infirmières contaminés ou en attente de résultat.
En terme de protection, nous avons la chance d’avoir le port de masque pour tout le personnel depuis 3 semaines en prenant soin de les économiser ainsi que des protections complètes pour les soignants intervenants auprès des malades contaminés.
Bref c’est une période compliquée, angoissante mais l’amour de notre métier, les valeurs du soin qui nous animent nous permettent de tenir.
Personnellement, je suis heureuse d’aller travailler, malgré le contexte, je me sens bien auprès des malades. Nous sommes les seuls visages, les seuls sourires qu’ils voient depuis 3 semaines voir plus pour certains. Je me sens bien également avec mes collègues, on se soutient mutuellement, chacun échange ses peurs, ses angoisses souvent sur le ton de la rigolade il faut bien évacuer !
Par contre hier, nous avons appris qu’un de nos patients en fin de vie (rentré chez nous cette année) était également positif, c’est très triste car on sait que cela va abréger sa vie et qu’il ne reverra certainement ni ses enfants ni sa femme qu’il n’a pas vu depuis des semaines (car déjà en isolement pour une autre raison) et qu’il sera transféré sur le secteur COVID avec des soignants qu’il ne connaît pas, c’est vraiment douloureux comme situation. De plus, on est conscient que c’est « nous » qui l’avons contaminé !
La peur, l’angoisse, m’envahit parfois quand je rentre à la maison et que je réalise que moi aussi je peux être contaminée et donc contaminante pour les malades et mes proches. Mais heureusement, mon mari et tous mes proches sont là pour témoigner de leur amour et de leur soutien et c’est vrai que ça fait du bien.
C’est vrai que c’est très touchant et réconfortant ces démonstrations de soutien envers les soignants mais il ne faut pas oublier tous ceux qui travaillent pour que l’on puisse continuer à vivre dignement, la chaîne alimentaire, les éboueurs, les enseignants, les aides à domicile qui sont également en première ligne, les dépannages d’urgence…
Le réconfort, je le trouve également dans la prière.
Je prie régulièrement pour que tous les soignants et particulièrement pour celles et ceux qui exercent dans les régions du Grand Est et d’Ile de France trouvent la force et le courage de tenir pour continuer à sauver des vies.
Je prie pour que mes proches, particulièrement pour mes parents, ma maman qui est fragile soient épargnés même si je sais qu’ils prennent toutes les précautions.
Je prie pour tous ces malades qui luttent pour s’accrocher à la vie.
Je prie pour toutes ces familles endeuillées, qui sont dans la souffrance.
Je prie pour toutes ces personnes seules et isolées.
Je prie pour tous les politiques qui doivent gérer une crise sans précédent et prendre des décisions en conséquence, bonnes ou moins bonnes.
Je prie pour nous tous, pour que nous sortions de cette crise plus forts, plus solidaires et plus à l’écoute des uns des autres.
Prenez soin de vous tous et restez chez vous.
Je me présente Anne-Marie, j’ai 62 ans, j’ai 3 enfants et 2 petits-enfants .
Je travaille comme auxiliaire de vie en Ehpad (90 en moyenne) depuis le 1er avril 2019 (ce n’est pas un poisson), c’est réel, j’habite dans le centre ville dans un appart de Sarthe habitat (13 ans).J’ai travaillé en tant qu’aide à domicile à l’AMAPA de janvier 2000 à Mars 2019.
Je suis en équipe ACO depuis au moins quarante ans (ouf ça ne rajeunit pas). Avant j’ai fait de l’ACE et de la JOC.
Je vais vous parler de ce que je vis en EHPAD depuis que le petit machin microscopique nous embête.
Depuis le confinement, des collègues sont absents (en maladie) soit pour les enfants ou autre comme M. dont le mari a un cancer et est à la maison.Pour remplacer, on embauche des CDD ou des collègues qui n’ont pas assez d’heures comme F.
Depuis 1 mois la direction avait pris les mesures disant qu’il ne fallait plus de visites pour les résidents, ensuite ne plus sortir à l’extérieur, ensuite les résidents confinés dans leur chambre, c’est la deuxième semaine. Et là ça ne devient pas drôle pour tout le monde. Des personnes âgées commencent à déprimer, de ne plus voir leur mari ou femme, leurs enfants et petits enfants, amis. Certains se laissent aller, ne mangent plus, veulent sortir dans les couloirs……et NON.
Pour le personnel, c’est une toute autre organisation. Comme il n’est plus question de manger en salle à manger, nous montons les chaufferettes des plateaux repas .Avant nous descendions les résidents du 2ème et du 1er étage. Aides soignants et agents polyvalents ensemble nous distribuons les plateaux. Il y a plutôt une bonne entente et il faut s’entraider. D. une remplaçante était étonnée de voir que l’on s’entendait bien.
Pour l’instant nous n’avons pas de cas dans les résidents, par contre une salarié est déclarée positive ce que nous avons appris ce matin. Une baisse de moral parmi les salariés et ensuite ça repart, il ne faut pas baisser les bras. Et pour les résidents il faut toujours être positif et avoir le sourire, car ils nous connaissent et dès qu’il y a du mouvement ils s’inquiètent.
Les protections contre ce phénomène .
Nous n’avons eu les masques qu’à partir de samedi, les infirmières les avaient avant nous. On a droit à 2 masques dans la journée. Un sas de déshabillage va se faire dans la petite chapelle, il faudra changer de tenue 1 fois par jour. Un service est prêt à recevoir des résidents (10 lits) qui seront contaminés et une équipe de volontaires parmi nos collègues.
Nous avons accueilli 5 personnes en plus, que l’hôpital nous a envoyés, il n’y a plus de place
Ce matin, une collègue J. s’est fait agresser à côté de l’Ehpad. ça nous a toutes bouleversées encore plus que si c’était en temps normal. Nous allons travailler parce que nous aimons notre travail et dans des conditions où il y a la peur, des tensions, ….
Je retiens de tout cela qu’il faut une force, une volonté pour faire ce métier là, mais on l’aime.
D’être solidaires entre nous c’est super , dans ces cas là tout le monde aide et la direction avec nous.
Nous avons reçu pleins de petits mots du conseil d’administration et des familles de félicitations, de dévouements, ça fait chaud au cœur. Les familles ont eu du mal au début et on les comprend. Espérons aller jusqu’au bout main dans la main,…
euh non il ne faut pas se toucher, CORONA, CORONA,…
Dieu si tu m’entends, aide nous à garder le moral
Dieu si tu m’entends, donne-nous la force de continuer notre travail
Dieu si tu m’entends, restons solidaires « ENSEMBLE »
Dieu si tu m’entends, chasse ce machin qui embête tout le monde.
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